Heulhard et l'Exposition Universelle 1900

Alfred Picard écrivait dans son Rapport général administratif et technique sur l’Exposition universelle de 1900 au sujet des Préliminaires de l’Exposition Universelle Internationale de 1900:

«A l’heure même où l’Exposition universelle de 1889 fermait ses portes en pleine apothéose, exposants et visiteurs se donnaient instinctivement rendez-vous à Paris pour l’année 1900. Encore sous l’impression du spectacle imposant dont ils venaient d’être les acteurs ou les témoins, ils se demandaient déjà par quelles merveilles le génie de la France et de ses hôtes pourrait, sinon faire oublier l’éclat des grandes assises de 1889, du moins clore dignement le XIXème siècle et marquer ainsi la nouvelle étape franchie dans la marche en avant de la civilisation contemporaine.»

1892
Un décret du Président Carnot du 13 juillet 1892 institua l’Exposition Universelle de 1900 et le 9 septembre 1892 un autre portait Organisation des Services de l’l’Exposition Universelle de 1900, lesquels se trouvaient placés sous l’autorité du Ministre du Commerce, de l’Industrie et des colonies et dirigés par un Commissaire Général, M.Alfred Picard.

1894
Aux membres de la Commission des Projets de l’Exposition Universelle de 1900:

«Messieurs, j’ai l’honneur de vous soumettre un projet dans lequel je crois voir un des « clous » de l’Exposition de 1900. En la forme, il s’agit d’une très vieille chose : une reconstitution archéologique dans le genre de ce « Vieil Anvers » qui aura été une des curiosités du siècle. Au fond, il s’agit d’une chose très neuve et qui n’a jamais été tentée : une exposition professionnelle du Change et de la Banque, je devrais dire : une exposition de l’argent considéré comme industrie.
Alors que tous les commerces prennent part aux Expositions, celui de l’argent s’abstient, non par égoïsme, j’en suis convaincu, mais faute d’avoir trouvé une formule intéressante et instructive. Il semble bien, en effet, que les opérations du change et de la banque constituent, en face de la matière manufacturée, une abstraction qui ne peut être rendue sensible et tangible au gré du public.
J’ai trouvé dans le passé une admirable et suggestive expression de ce commerce impondérable et impalpable en apparence, alors qu’en réalité c’est lui qui fait et défait les nations modernes. Et non seulement l’expression que j’ai trouvée est exacte et amusante, mais, phénomène plus extraordinaire, le cadre qui l’enferme est d’un art tout à fait merveilleux. Je n’exagère pas, c’est notre vieux Paris qui nous le fournit. Le change, la banque, le commerce des matières d’or et d’argent, tout cela, Messieurs, a pris naissance sur le Pont au Change… » 1


Arthur Heulhard
19 juillet 1894

1896
Le 20 octobre 1896 Gaston Calmette écrivait dans le Figaro:

«Depuis le départ du Tsar et la fin de ce voyage triomphal dans lequel toutes les nations s’accordent à voir le gage le plus absolu de la paix européenne, l’Exposition de 1900 redevient l’unique sujet des conversations et des préoccupations du public, en France aussi bien qu’à l’étranger.
Toutes les nations préparent, en effet pour cette date une manifestation colossale dont Paris, avec son charme sans égal sera le centre; et pour augmenter l’originalité et le succès de cette manifestation, de nombreux projets sont étudiés en ce moment par la Commission supérieure de l’Exposition.
card Aux premiers rangs parmi ces projets se trouve « La Ville de l’Or » qui semble devenir un des clous de 1900, ce clou réclamé déjà par le public au même titre que la tour Eiffel de 1889, où défilèrent, stupéfaits et charmés, les visiteurs du monde entier.
La « Ville de l’Or » a pour auteur notre ami Arthur Heulhard : c’est dire que nous la connaissons depuis longtemps dans tous ses détails, mais, pour les raisons de réserve que le public appréciera, nous n’avons pas voulu en parler avant que le mouvement d’approbation qui s’est fait autour de cette idée si curieuse ait assuré, en dehors de tout appui du Figaro, son adoption définitive.
Arthur Heulhard qui est un chercheur passionné, en même temps qu’un historien érudit, a toujours eu, on le sait, un véritable culte pour le vieux Paris sur lequel il a écrit des ouvrages bien connus des lettrés, et il a été hanté de l’idée de reconstituer pour 1900 le « Pont au Change » le plus vivant, le plus curieux et le plus précieux entre tous les ponts de la Cité. Il voyait dans cette reconstitution, déjà si pittoresque au point de vue archéologique, un moyen fort original d’introduire dans l’Exposition future une section qui a été oubliée ou méconnue jusqu’à ce jour…C’était donc, en résumé une reconstitution comme le « vieil Anvers » qui a été une curiosité de ce siècle.
Mais, à l’étude, son projet s’est modifié, métamorphosé, colossalement agrandi… »


Arthur Heulhard désireux de faire connaître son projet au grand public, décida de publier en 1896 un ouvrage intitulé "La Ville de l’Or ou le Pont au Change. La Finance à l’Exposition Universelle de 1900" qui parut aux éditions Paul Ollendorff à Paris.
Le 3 juillet 1897 2 Arthur Heulhard écrivait à Alfred Picard:

«Monsieur le Commissaire général,
Invité à préciser les conditions dans lesquelles j’envisage l’organisation et l’exploitation de mon projet dit le Pont au Change, j’ai l’honneur de vous les soumettre ici à l’état de vœux et desiderata.
Si ce projet a pu prendre diverses dénominations en rapport avec les différents emplacements qui ont été étudiés pour sa réalisation, il ne s’écarte pas de celui qui a été soumis à la Sous-Commission de 1894 et qui a fait l’objet du rapport de M. Bassinet adopté par la Commission supérieure.
Il s’agit toujours du Pont-au-Change : restitution du vieux Paris considérée comme formule d’une exposition financière internationale réduite aux choses essentielles et licites. C’est le principe même sur lequel, après vous, la presse de tous les pays s’est prononcée favorablement, sous la réserve – expressément indiquée par moi-même – qu’aucun agiotage ne s’y introduirait.
Ainsi qu’il a été dit, batteurs d’or, orfèvres, forgeurs de métaux utiles à la monnaie, changeurs, banquiers, etc., fonctionnaient là, au milieu de toutes les attractions du commerce des nouveautés, raretés et curiosités que le plus souvent ils alimentaient.
Donc, dans un seul et même décor, la finance d’une part, l’industrie pittoresque de l’autre.
Comme devant (dans les boutiques au moins), tout le monde dans le costume de l’époque adoptée pour chaque maison.
Conséquent avec le principe posé, je voudrais, pour la partie financière, qu’il fût possible au visiteur de voir d’abord: Comment s’exploitent et se traitent les métaux nécessaires à la frappe, notamment l’or et l’argent (qui servent d’autre part à l’orfèvrerie), comment on les fond, comment on les bat, comment on les transformait jadis en monnaies (appareil monétaire ancien), comment on les y transforme aujourd’hui (appareil et presse monétaires modernes).
Plan Pratique Des pièces de monnaie or (je prends ce type parce que la frappe en est libre), seraient frappées sous l’œil du public, soit françaises, par la Monnaie de Paris, soit étrangères, par une Monnaie étrangère. A défaut de monnaies, des médailles.
Je voudrais qu’il fût possible de voir ensuite:
Quelles ont été les différentes espèces et formes du papier-monnaie depuis Law jusqu’à nos jours (billets de monnaie, assignats, billets de l’Indépendance américaine, billets de la Banque de France, etc.,). Comment (secrets du papier réservés, bien entendu) on imprime et comment on émet un billet de banque.
(je voudrais que la Banque de France, qui va pouvoir augmenter d’un milliard son chiffre d’émission, tirât un certain nombre de billets au Pont au Change. A son défaut, une banque d’Etat étrangère n’y pourrait-elle tirer des billets étrangers qui n’ont point cours en France ?)
Je voudrais qu’on pût voir:
Quelles ont été les différentes formes du crédit, quelles sont les combinaisons actuelles du prêt et de l’escompte, etc.: comment fonctionne une banque populaire en Italie, par exemple, ou quelles combinaisons offre le Crédit Foncier de France, ou le Crédit Lyonnais ou tout autre grand établissement français ou étranger.
Je voudrais qu’il fût possible aux exposants de toutes les sections de l’Exposition comme au public lui-même de :
Changer sa monnaie chez un changeur, déposer, prendre de l’argent, escompter chez un banquier, faire en un mot ses affaires ordinaires au Pont au Change, sans être obligé d’aller en ville.
Je voudrais qu’il fût possible d’établir comme en Amérique, des tableaux électriques donnant à toutes heures le cours des principales valeurs de Bourse, et de donner soit directement soit téléphoniquement un ordre de Bourse à son agent de change. Je voudrais qu’il fût possible de voir :
Comment et dans quelles conditions fonctionnent (à l’égard du public, s’entend) les Compagnies d’assurances, françaises, anglaises, américaines ou autres.
Je voudrais qu’on pût à l’aide de documents authentiques et restitutions : façades d’hôtels, vieilles Bourses, estampes, caricatures, tapisseries, vitraux, etc. faire ostensiblement l’histoire des finances et financiers : les Jacques Cœur, les Fuggers d‘Augsbourg, les Strozzi, les Médicis, les fermiers généraux, etc., tous liés à l’histoire artistique et littéraire de leurs pays.
Telles sont les principales dispositions que j’envisage, monsieur le Commissaire général, et je n’en vois pas une qui porte atteinte au crédit ou qui favorise la spéculation.
Pas la moindre fissure pour l’agiotage. Une leçon de choses, et voilà tout.
Si je me trompe, j’abandonnerai bien volontiers les points de ce programme auxquels vous trouveriez des inconvénients majeurs. J’arrive à mes desiderata pour la partie industrielle et commerciale. C’est celle qui apparaîtrait le plus, puisqu’elle occuperait les boutiques, alors que l’histoire et le commerce financiers occuperaient généralement les étages.
Je voudrais ramener sur le Pont au Change, ses marchands et marchandes de l’ancien temps, donnant chacun sa note personnelle et pittoresque.
Hôtelleries, rôtisseries, auberges, joueurs d’instruments, comédiens, diseuses de bonne aventure. Certains établissements de consommation comme était Bols au Vieil Anvers. Automates joueurs d’échecs. Modistes, gantières et lingères d’Abraham Bosse. Coiffeurs. Tailleurs-costumiers. Bottiers. Dentelles et broderies. Cristaux et verreries. Poupées et jouets. Marionnettes. Eventaillistes. Librairie. Apothicairerie. Imprimerie avec gazette du Pont au Change, marchands ambulants : fleurs, coco, mouleur de café, oublies, plaisirs, chanteurs des rues, et. Dessinateurs d’étoffes, tapissiers. Potiers d’étain. Chinoiseries. Faïenciers. Couteliers. Marchands de fourrures, de nielles, etc. Marchands de curiosités anciennes, meubles anciens, etc. Sur cette partie, M. le Commissaire, je ne puis pas m’étendre comme il le faudrait, et vous reconnaîtrez que cela ne m’est pas possible. Mais nous avons assez de précédents : Vieil Anvers, Vieil Amsterdam, Vieux Rouen, Village Suisse, Vieux Bruxelles, pour nous guider.
Je réclamerai le droit de vendre (comme on l’a fait dans toutes ces restitutions sans exception), les objets fabriqués sous les yeux du public, et il m’est bien permis de croire qu’avec mes relations dans le monde des artistes, nous pourrons créer là , ou restituer, des modèles d’un goût plus relevé.
La question d’emplacement domine tout. Après en avoir cherché plusieurs avec la plus grande bienveillance, M. Bouvard s’emble s’être arrêté à une partie du quai de Billy qui me permettait de réaliser mon idée sous la forme approximative du Pont au Change. Cette partie certes n’est pas large, mais elle a une longueur de deux cent cinquante mètres, ce qui n’a rien d’excessif, étant donné que nous ne devons pas être trop inférieurs aux belles restitutions de l’étranger. Elle se prête à une façade très pittoresque par laquelle on masquerait l’aspect peu récréatif du quai.
Enfin elle offre – dans la partie située sur la berge elle-même et sous le Pont qui s’enlèverait en arc – des parties solides où pourrait être installé, entre autres choses, le travail des minerais et métaux.
S’il vous plaît, après m’avoir communiqué vos permissions et licences, défenses et inhibitions, de m’attribuer définitivement cet emplacement, je suis prêt, de mon côté, à signer ma demande en concession et à en remplir les conditions vous assurant, M. le Commissaire général, que vous aurez rarement rencontré homme de meilleure volonté.
Mon projet est un des plus anciennement réservés. Il a reçu la publicité la plus vaste, j’ai à cœur de la justifier, et n’ayant pas trop de temps pour aboutir honorablement, je viens vous prier, M. le commissaire général, de vouloir bien lui donner la sanction d’une admission définitive.
Veuillez agréer, Monsieur le Commissaire général, l’expression de ma considération la plus haute ».


Le but du dossier présenté ici est de contribuer à reconstituer l’histoire du « Vieux Paris » au sein de l’Exposition Universelle de 1900. D’autres que nous se sont préoccupés d’en conserver également la mémoire et l’on pourra lire à ce sujet la belle revue de l’Association des Amis d’Albert Robida. 3
Robida D’ailleurs la réalisation du projet finalement adopté par la Commission, non plus sous le nom du « Pont au Change » mais sous celui de « Vieux Paris », est née de l’association de ces deux personnalités d’exception qu’étaient Arthur Heulhard et le grand illustrateur Albert Robida qui en fut le maître d’œuvre. Ils avaient déjà collaboré en 1888, année pendant laquelle Arthur Heulhard a publié son ouvrage « Entre deux stations » illustré par le dessinateur.

Nous faisons état ici des correspondances échangées entre Arthur Heulhard et les divers membres de l’Administration chargés de mener à bien une démonstration du savoir-faire national destinée à marquer le début du siècle.
Les 154 4 pièces rédigées entre 1894 et 1904 qui constituent ce dossier nous permettent de mieux appréhender le développement de l’idée du « Pont au Change », ses modifications, jusqu’à sa réalisation définitive, sous le nom du « Vieux Paris ».
Courriers, notes, rapports, tous les supports relatifs à ce projet, y compris le peu de dessins conservés, ont été extraits des cartons des Archives Nationales, photographiés puis retranscrits pour en faciliter la lecture. Les photographies des documents originaux seront également accessibles sur le Site.

Nous avons complété cette recherche par une lecture attentive des journaux de l’époque qui ont retracé en détail la réalisation de l’Exposition Universelle, et en particulier celle du « Vieux Paris » dont la Presse s’est fait l’écho avec enthousiasme. Les documents ici reproduits permettront aux lecteurs d’avoir une idée plus juste de l’implication d’Arthur Heulhard comme Directeur-Concessionnaire, et unique mécène, pour cette réalisation sur le quai de Billy. Il est possible de suivre les événements, parfois au jour le jour, depuis l’incroyable contrat de location du terrain, en passant par sa difficultueuse construction des bâtiments, jusqu’à «l’arbitrage magistral» prévu par les pouvoirs publics au moment du bilan financier du fait de situations comptables devenues catastrophiques pour certains concessionnaires.
Tout au long de cette correspondance on perçoit l’atmosphère souvent tendue entre Heulhard et une Administration tatillonne à l'excès; celui-ci use toujours de diplomatie et de bonne volonté devant des exigences parfois aberrantes. Qui plus est, les services administratifs responsables n’étaient pas d’accord entre eux sur les mesures à adopter pour la sécurité des personnes. Par exemple, en ce qui concernait la construction d’escaliers de secours proposée par un Service, récusée par un autre préconisant au contraire l’utilisation d’échelles de meunier pour l’évacuation des visiteurs en cas d’incendie !
Pendant des mois ils se renvoyaient la balle sans tenir compte bien évidemment de la situation dans laquelle ils mettaient le Concessionnaire, ce qui lui faisait écrire le 4 octobre 1899 à l’Ingénieur Résal : «Me trouvant ainsi placé entre l’enclume Commission et le marteau Ponts et Chaussées, je viens vous prier, Monsieur l’ingénieur en chef, de vouloir bien me dégager par les instructions formelles soit en autorisant soit en défendant la construction de ces fameux escaliers.»

On pense inévitablement au texte contemporain de Georges Courteline « Messieurs les Ronds-de-Cuir » ; Courteline s’en est-il inspiré ? Heulhard et Courteline fréquentaient les mêmes cercles d’artistes et d’écrivains…

On a dû procéder à de nombreux remaniements, tant sur le plan de l'édification des constructions que sur les surfaces à prévoir pour les circulations réservées au public selon les exigences de la Commission Incendie et il fallait bien l’enthousiasme et la persévérance d’Arthur Heulhard et d’Albert Robida pour parvenir à la réalisation de leur rêve contre ces vents et ces marées…Malgré toutes ces difficultés les travaux étaient finalisés et le « Vieux Paris » fin prêt quelques jours avant l'inauguration officielle.

Des changements de programmes décidés par l’Administration, en particulier la réduction du nombre des fêtes nautiques et vénitiennes ont été très préjudiciables au « Vieux Paris », que l’on avait doté de 5000 lampes afin de concourir à son éclat ce qui en faisait l’une des plus impressionnantes installations réalisées dans le cadre de l’Exposition. Ces illuminations devaient attirer les visiteurs du soir, or ces spectacles ont été annulés pendant plusieurs semaines faute de fourniture électrique.
pavillon Par ailleurs, une exposition de la Navigation de plaisance devait avoir lieu dans le voisinage immédiat du « Vieux Paris » ce qui aurait attiré un public « nombreux et choisi qu’intéresse plus particulièrement le Yachting .» Cette idée a été abandonnée par l’Administration malgré l’avancement des travaux et les frais engagés.
La tâche des réalisateurs de cette extraordinaire aventure a été bien entravée par un Commissariat général qui voulait tout superviser dans les moindres détails, y compris la programmation des théâtres et des concerts. Il était difficile de faire comprendre que l’organisation de spectacles induit toujours des changements de dernière minute et qu’il était quasiment impossible de soumettre des programmations définitives si longtemps à l'avance… De plus, il était obligatoire de présenter également tous les programmes à la Commission de censure…Ces fonctionnaires n’avaient aucune idée de ce que pouvait être une entreprise «privée » comme celle du « Vieux Paris » à la fois dans sa direction, sa gestion et son financement par des fonds personnels et non pas publics. N’étant pas impliqués personnellement et ne prenant pas conscience des conséquences de leurs exigences, ils imposaient à Heulhard de nouvelles dispositions sans se préoccuper jamais des frais supplémentaires inhérents à leur application. 5
Les simulations du gouvernement avaient été très prometteuses et c’est sur une base prévisionnelle de 65 millions d’entrées que les prix de location avaient été fixés aux concessionnaires. C’est bien parce que lui aussi, Arthur Heulhard, avait cru à ces prévisions, qu’il ne recula jamais devant les difficultés de tous ordres, y compris pécuniaires, qui s'imposaient à lui.
Le Figaro écrivait, le 14 avril 1900 jour de l’inauguration officielle par le Président Emile Loubet, «…il n’est pas déraisonnable de penser que les chiffres d’il y a onze ans 6 pourront être doublés cette année. Pour ne citer qu’une opinion, on s’attend, au commissariat des Etats-Unis à voir venir à Paris 300 000 Américains du Nord. Il en est venu 115 000 en 1889…On estime qu’elle (l’exposition) coûtera cent millions. L’Etat en a donné vingt, la Ville de Paris vingt également ; les soixante millions restants ont été fournis au moyen d’une émission de 3,250.000 bons à lots de vingt tickets à 1 franc, représentant un capital de 65 millions de francs, c’est-à-dire la prévision de 65 millions d’entrées à un ticket, à l’Exposition de 1900 ! »

Mais de nombreux concessionnaires ont connu la faillite, le point de départ de la « débâcle » ayant été le prix exorbitant des locations qui avait été évalué par rapport au nombre d’entrées supposées et cela 3 ans auparavant !
entrèe En ce qui concerne le « Vieux Paris », nous rappellerons simplement quelques chiffres : 225000 francs pour la location du terrain , 7 32500 francs pour la caution. Le terrain n’était pas exploitable en l'état, sa "viabilisation" a doublé le chiffre de la location. Avant toute construction, Arthur Heulhard avait dépensé près d’un million de francs. Puis pour le gros œuvre, l’électricité, la canalisation il a dépensé 1.235.358 francs, soit, pour l’ensemble, 2.235.000 francs environ. Sans compter la rémunération des architectes et de l'équipe administrative dont s'étaient entourés Arthur Heulhard et Albert Robida, et celle des artistes interprètes qui n’ont pu se produire avant le 11 mai faute d’éclairage, en particulier les Concerts Colonne dont les représentations n’ont pu avoir lieu en soirée.

L’exposition ouvrit donc au public le 15 avril pour fermer le 12 novembre et obtint un grand succès d’estime.
« La première journée de l’Exposition de 1900 » « … On s’écrase au Vieux Paris. Foule aux boutiques, foule aux tables des brasseries. C’est l’heure du concert : d’un coin de l’étrange ville partent des bruits de chansons ; ceux que n’attire point la musique flânent le long des terrasses, s’attardent aux détails d’architecture, aux enseignes des marchands… » Emile Berr Le Figaro 16 avril 1900.

Les échos relatifs à cette partie de l'Exposition dans la Presse ont été extrêmement élogieux. Tant pour son originalité que pour sa qualité d'exécution. Les visiteurs ont été sensibles à la reconstitution, à son caractère "nostalgique" alors que les parisiens avaient encore très présent à l’esprit le grand chantier d’Haussmann qui avait fait disparaître bien des rues anciennes de la Ville.



Notes

1 Archives nationales. F/12/4349.   
2 Archives nationales. F/12/4349.    
3 Voir notamment : Le téléphonoscope n° 9 déc 2002. Bulletin des Amis d’Albert Robida.    
4 Y compris quelques notes et rapports.    
5 Archives nationales. F/12/4349 17 janvier 1901 Conclusions pour M. Arthur Heulhard.    
6 Ceux de l’Exposition Universelle de 1889.    
7 Nous avons décidé de ne pas convertir les anciens francs en euros, même si l’INSEE propose un tableau de correspondances : un franc en 1901 valait 3,14265 € en 2001 et un franc de 1909 valait 3,60876 € en 2009. Les prix n’ayant quasiment pas bougé entre 1870 et 1900 et très peu entre 1900 et 1909. Lorsque nous avons converti le salaire horaire du menuisier soit 0,70 f x 3,60876 € = 2,52 € il nous a paru évident qu’il était impossible d’utiliser cette conversion et qu’il valait mieux donner quelques prix de référence en 1900.
Le kilo de pain valait 0,30 franc et le kilo de sucre, 0,31 franc. A l’époque la journée de travail était de 10 heures et de 8 pour les mineurs de fond. Le repos hebdomadaire sera instauré en 1906.    




Chronique de l’élaboration du «Vieux-Paris» pour l’Exposition Universelle 1900 à Paris       texte

Chronologie des archives et articles concernant le Vieux-Paris       texte

Vidéo: Paris in 1900 - Exposition Universelle       AH

Accueil